Les deux individus manquèrent se télescoper, en passant simultanément par la porte d’accès de l’immeuble. L’une y entrait, l’air grave et décidé, l’autre avait le regard absent. Ils se jetèrent mutuellement un regard de connivence, plus que d’excuses, sans un mot de plus que « 3E5D » murmuré rapidement par l’Homme à l’adresse de la Femme, et reprirent leurs trajectoires personnelles.
L’Homme qui, lui, sortait, arriva sur le trottoir au pied de la bâtisse, et leva les yeux au ciel, comme pour en apprécier la beauté et la douce chaleur qui paraissait s'en écouler. En fait, il appréciait le silence quasi-total qui y régnait… Pas le moindre chant d’oiseau ! Un ciel bleu mais vide de vie… Un ciel pas naturel, pas terrestre, en quelques sorte ! Il devait être aux alentours de midi. L’homme jeta d’ailleurs un coup d’œil furtif à son bracelet-montre, et, d’un pas tranquille et mesuré, alla appuyer son dos sur la façade de l’immeuble. Devant lui passaient ou couraient des badauds, pressés sans doute de rejoindre leur domicile un fast-food ou un restaurant. L’heure était à déjeuner, et on aurait presque pu ressentir, chez cette foule tumultueuse, comme une envie insatiable de passer à table, obnubilante telle une envie de mourir !
C’est alors que la silhouette féminine, qui avait croisé l’homme quelques minutes auparavant, sortit, dans la lumière bienveillante du soleil. Elle aperçut l’homme, toujours appuyé au mur du bâtiment, et se dirigea vers lui, sans montrer autre intérêt que de le rejoindre… Arrivée à sa hauteur, la femme laissa tomber un à peine audible : « C’est fait » avant de continuer sa route, à nouveau solitaire, comme l’homme, qui partit dans le sens opposé...
Johnny avait aperçu ce curieux événement, banal vendeur de journaux qu’il était, très absorbé par tout ce qui pouvait se passer dans les rues, son « domicile et lieu de travail »… Il n’en retint rien, sur le moment, mais y pensa quelques secondes avant de « laisser tomber » ! Durant ces « quelques instants », il se dit que cela sentait la « mauvaise affaire », du genre Deux individus entrent dans un squat et y zigouillent quelqu’un, l’un faisant le guet, l’autre passant à l’acte… Un point c’est tout…
Sur ces entrefaites, un jeune homme, vraisemblablement un copain de Johnny, survint près de lui et lui tapa sur l’épaule… Le vendeur de journaux se tourna vers le nouvel arrivant, et présenta son poing à celui de son copain, et ils le cognèrent un contre l’autre, ainsi qu’ils se disaient bonjour dans leur milieu ! Un peu une façon de « trinquer » à l’ancienne ! Johnny se débarrassa des journaux non-vendus, en les glissant subrepticement dans la plus proche bouche d’égout ! Ayant assurément raconté son « histoire », les deux jeunes gens se hâtèrent vers la porte de l’immeuble en question…
La porte s’ouvrit sans difficulté. Les deux amis, à l’écoute du moindre bruit ou mouvement, avancèrent à pas feutrés vers l’ascenseur et pressèrent le bouton d’appel… Pourquoi l’ascenseur ? Pourquoi pas une exploration par l’escalier de service ? Ils n’en savaient eux-mêmes rien…
Deuxième partie à suivre...